Estimation de la migration à partir de données de recensement
Description des méthodes
Mesurer la migration à partir de données de recensement n’est pas techniquement compliqué. Pourvu que le(s) recensement(s) recueille(nt) les informations nécessaires et soi(en)t suffisamment fiables, on peut parvenir à des estimations de l’immigration internationale nette (c’est-à-dire les immigrations moins les émigrations) de la population née à l’étranger (hors d’un pays déterminé) et des migrations internes (entrées et sorties) entre les régions d’un pays au cours d’une période intercensitaire.
Pour mesurer l’immigration internationale nette de personnes nées à l’étranger, il suffit de retrancher du nombre de personnes recensées nées à l’étranger le nombre des étrangers qui étaient déjà présents lors du recensement précédent et sont supposés avoir survécu depuis lors.
De même, si les recensements enregistrent la région de naissance des individus, on peut mesurer l’immigration interne nette (c’est-à-dire l’immigration interne nette des personnes nées hors de la région considérée, moins l’émigration interne nette des personnes natives de la région) entre les régions du pays. Mais, si on demande aux personnes recensées où elles vivaient à une certaine date antérieure, par exemple au moment du recensement précédent, on peut évaluer directement le nombre de migrants survivants (c’est-à-dire les migrants encore envie au moment du recensement le plus récent) en provenance et à destination de chaque région du pays depuis cette date antérieure.
Pour mesurer le nombre de migrants à partir du nombre de migrants survivants au moment du second recensement, on doit ajouter à ce dernier chiffre une estimation du nombre de migrants que l’on suppose décédés entre leur migration et le second recensement.
Si le dernier recensement a enregistré d’autres données, comme l’année d’arrivée du migrant à l’endroit où il a été recensé, on peut également évaluer la tendance de la migration au cours du temps.
La migration se différencie de la fécondité et de la mortalité, à la fois parce qu’elle n’est pas un aboutissement au sens où le sont une naissance ou un décès, et par le fait que nous devons nous intéresser non seulement à la population d’origine, que le migrant a quittée (qui correspond à la population soumise au risque, sur la base de laquelle peuvent être calculés des taux analogues aux taux de fécondité et de mortalité), mais aussi à la population de destination, celle que le migrant a rejointe. De plus, pour analyser la migration, on a souvent besoin de distinguer divers types de déplacements (temporaires ou permanents, circulaires ou non, etc.). C’est pourquoi l’éventail des définitions et des outils de mesure associés à la migration est beaucoup plus large que dans le cas de la fécondité ou de la mortalité. Il n’entre pas dans les objectifs de ce chapitre de traiter cette problématique, nous renvoyons donc le lecteur intéressé aux textes classiques sur le sujet, tels que le Manuel VI des Nations Unies (UN Population Division, 1970), Shryock et Siegel (1976), Siegel et Swanson (2004).
Données requises et hypothèses
Tabulations nécessaires
- Pour mesurer l’immigration nette de personnes nées à l’étranger :
- Les nombres d’hommes et de femmes nés à l’étranger, par groupes quinquennaux d’âge et pour un groupe d’âge ouvert A+, à deux moments du temps, habituellement deux recensements.
- Pour les décès : soit une table-type de mortalité adéquate, soit les nombres d’hommes et de femmes nés dans le pays étudié, par groupes quinquennaux d’âge et pour un groupe d’âge ouvert A+, à deux moments du temps, habituellement deux recensements. À défaut, le taux brut de mortalité de cette population.
- Pour mesurer l’immigration interne nette (entre régions d’un même pays) à partir des données sur le lieu de naissance :
- Les nombres d’hommes et de femmes par région de résidence et région de naissance, par groupes quinquennaux d’âge et pour un groupe d’âge ouvert A+, à deux moments du temps, habituellement deux recensements.
- Pour les décès : soit une table-type de mortalité adéquate, soit les nombres d’hommes et de femmes nés dans la région considérée, par groupes quinquennaux d’âge et pour un groupe d’âge ouvert A+, à deux moments du temps, habituellement deux recensements, soit les nombres de décès par région d’après les registres d’état civil. À défaut, le taux brut de mortalité de cette population.
- Pour mesurer les migrations internes entre régions à partir des données sur le lieu de résidence au recensement précédent :
- Les nombres d’hommes et de femmes par région de résidence actuelle et région de résidence à une date antérieure, habituellement lors du recensement précédent, par groupes quinquennaux d’âge et pour un groupe d’âge ouvert A+.
Si on ne dispose pas d’effectifs par groupes d’âge, les données agrégées restent utiles pour estimer la migration totale, tous âges confondus.
Hypothèses importantes
- Pour la mesure de l’immigration nette d’étrangers :
- Les recensements dénombrent avec exactitude toutes les personnes nées à l’étranger.
- On peut évaluer avec précision la mortalité de la population née à l’étranger (soit que l’on dispose d’une table de mortalité adéquate, soit que cette population ait la même mortalité que celle de la population autochtone du pays telle qu’estimée à partir des recensements).
- Il n’y a pas de migration de retour des émigrés natifs du pays recensé.
- Pour la mesure de l’immigration interne nette à partir de données sur le lieu de naissance :
- Les recensements dénombrent avec exactitude la population des régions et enregistrent avec précision la région de naissance des individus.
- On peut évaluer correctement la mortalité des personnes qui migrent d’une région à une autre (soit que l’on dispose d’une table de mortalité adéquate, soit que cette population ait la même mortalité que celle de la population autochtone du pays telle qu’estimée à partir des recensements).
- Pour la mesure de la migration interne entre régions à partir de données sur le lieu de résidence au recensement précédent :
- Le dernier recensement identifie bien toutes les personnes qui ont migré d’une région à une autre depuis la date de référence antérieure (par exemple depuis le recensement précédent).
- On peut évaluer correctement la mortalité des personnes qui migrent d’une région à une autre (soit que l’on dispose d’une table de mortalité adéquate, soit que cette population ait la même mortalité que celle de la population autochtone du pays telle qu’estimée à partir des recensements). Puisque l’on mesure l’immigration et l’émigration internes séparément (et pas seulement la migration interne nette), cette hypothèse est de moindre importance.
Travaux préparatoires et recherches préliminaires
Avant toute utilisation de la méthode, on doit s’assurer de la qualité des données, au moins sur deux aspects :
- la structure par âge de la population (le cas échéant par région) ; et
- le taux de couverture des recensements (le cas échéant au niveau régional).
Mise en garde
Mesurer la migration à partir des données de deux recensements sur le lieu de naissance nécessite, dans les deux opérations, non seulement que le dénombrement de la population soit suffisamment complet, mais aussi que le lieu de naissance soit enregistré avec exactitude. Or ce n’est pas toujours le cas, en particulier quand on veut mesurer l’immigration internationale dans un contexte où les immigrants préfèrent cacher leur statut d’étranger, et également, pour la mesure des migrations internes, en cas d’éventuelles modifications de frontières ou quand la personne qui répond ignore le lieu de naissance de la personne dont il s’agit.
Mesurer les migrations en interrogeant les migrants dépend de la capacité du recensement à identifier correctement toutes les personnes qui ont immigré, ainsi que le lieu exact d’où elles proviennent. Dans la mesure où, au moment du recensement, les immigrés récents ne sont pas encore définitivement installés comme résidents dans la région d’arrivée, ils peuvent échapper au dénombrement.
La migration nette, par définition, sous-estime les flux de migrants à l’entrée comme à la sortie d’une région ou d’un pays. Ainsi, par exemple, des personnes qui, au cours de la période considérée, ont immigré dans une région et en sont reparties ne sont pas comptabilisées dans l’immigration nette, alors qu’elles ont effectué deux migrations.
Application de la méthode
A) Mesure de l’immigration internationale nette de personnes nées à l’étranger à partir des données sur le lieu de naissance
Cette méthode permet de mesurer l’immigration internationale nette d’étrangers à partir des données sur le lieu de naissance. Il est important de souligner qu’elle ignore et ne mesure donc pas l’immigration de personnes autochtones qui ont quitté le pays avant le premier recensement et y sont revenues avant le second. Elle est donc déconseillée en cas de nombreux retours de personnes autochtones (par exemple après un temps d’exil ou une migration forcée de réfugiés).
Étape 1 : Choisir les coefficients de survie
Si les effectifs de personnes nées à l’étranger par groupes d’âge sont disponibles pour chaque recensement, on doit évaluer les coefficients de survie à appliquer à ceux du premier recensement pour estimer l’effectif des survivants au moment du second recensement. On peut choisir soit des coefficients basés sur les nombres d’années vécues dans chaque groupe quinquennal d’âge (5Lx) d’après le modèle général des tables-types de mortalité des Nations Unies ou l’une des quatre familles de tables-types de Princeton, soit des coefficients provenant d’une table-type de mortalité propre à une population touchée par une épidémie de sida (Timæus, 2007), que l’on trouvera dans le tableur « Models » du manuel d’exercices en ligne associé. Ce tableur permet également d’utiliser les nombres d’années vécues dans les groupes quinquennaux d’âge d’une autre table de mortalité si on a des raisons de penser que celle-ci correspond à un schéma de mortalité similaire à celui de la population étudiée ; à défaut, on peut déterminer les coefficients de survie à partir des proportions de survivants de chaque groupe quinquennal d’âge entre un recensement et le suivant (supposés espacés de n années, n étant multiple de 5) parmi la population autochtone. Ainsi, 5Sx,n, ∞SA–n,n et SB,n, respectivement le coefficient de survie sur n années des personnes âgées de x à x + 5 lors du premier recensement, celui des personnes âgées de A - n et plus lors du premier recensement, et celui des enfants nés entre les deux recensements, se calculent comme suit :
l’exposant nb signifiant ‘autochtone’ (en anglais : native-born), représentant la population autochtone recensée au temps t, et Bnb représentant le nombre de naissances autochtones entre t et t + n.
Si les données ne sont pas disponibles par groupes quinquennaux d’âge, on peut toutefois évaluer le nombre total net d’immigrants, si on connaît le taux brut de mortalité de la population (qui, sauf indices contraires, peut être supposé identique à celui de la population autochtone).
Étape 2 : Évaluer le nombre de décès d’immigrés
Si on dispose des effectifs de personnes nées à l’étranger par groupes d’âge dans deux recensements (espacés de n années), on doit évaluer les nombres de décès de ces personnes (signalées par l’exposant F) âgées de x à x + 5, , et de A - n ou plus, , au temps t (premier recensement), ainsi que des enfants nés entre les deux recensements,
et représentant l’effectif des personnes nées à l’étranger âgées de x à x + 5 au temps t (premier recensement).
Si les effectifs et/ou les coefficients de survie ne sont pas disponibles par groupes d’âge, on peut évaluer comme suit le nombre total des décès de personnes nées à l’étranger :
∞m0 étant une estimation du taux brut de mortalité de la population du pays recensé. Mais, si la structure par âge de la population née à l’étranger est nettement différente de celle de la population totale du pays, on risque d’obtenir une mauvaise approximation du véritable nombre de décès.
Étape 3 : Évaluer le nombre net d’immigrants étrangers
Si on dispose de données par groupe d’âge pour chaque recensement, on peut évaluer l’immigration nette par âge :
pour x = 0, 5, …, A – 5 – n représentant le nombre net d’immigrants entre t et t + n qui étaient âgés de x à x + 5 au temps t. Pour x > A – 5 – n :
Le nombre net d’immigrants parmi les enfants nés entre t et t + n est :
Si les effectifs et/ou les coefficients de survie ne sont pas disponibles par groupes d’âge, on évalue comme suit le nombre total net d’immigrants :
B) Mesure de la migration inter-régionale nette à partir de données sur le lieu de naissance
On peut mesurer l’immigration interne nette vers une région déterminée au départ des autres régions du même pays exactement de la même manière que l’immigration internationale, décrite plus haut, en remplaçant la population née à l’étranger par la population née hors de la région considérée.
En outre, en appliquant la même méthode aux données sur l’évolution des nombres de personnes nées dans la région étudiée (plutôt qu’en dehors) et vivant à l’extérieur, on peut évaluer l’émigration interne nette des personnes nées dans la région vers les autres régions du pays. En soustrayant cet effectif de l’immigration interne nette de personnes nées en dehors de la région étudiée, on obtient une évaluation de l’immigration interne nette totale dans cette région.
Si on a des raisons de penser que les immigrants nés à l’extérieur de la région considérée et les émigrants natifs de cette région ont des schémas de mortalité différents, et si on dispose des coefficients de survie nécessaires, on peut appliquer des coefficients de survie différents à ces deux sous-populations pour évaluer le nombre net de migrants. Cependant, en pratique, il est probable que l’imprécision des données censitaires sur le lieu de naissance lors du recensement précédent l’emportera sur le gain de précision dû à l’utilisation de schémas de mortalité différents.
C) Mesure de la migration interne entre régions d’un même pays à partir des données sur le lieu de résidence lors de l’enquête précédente
On mesure la migration inter-régionale nette directement à partir des nombres de résidents recensés de chaque région qui ont migré depuis le recensement précédent, en fonction de leur lieu (région) de résidence à une date antérieure déterminée (par exemple, lors du précédent recensement). En limitant le calcul aux flux inter-régionaux, la somme des nombres d’immigrants inter-régionaux devrait être égale à la somme des nombres d’émigrants inter-régionaux ; si les immigrants en provenance de l’étranger sont compris dans ces données, on peut élargir l’évaluation de l’immigration interne pour y inclure l’immigration internationale dans chaque région.
Puisque l’un des principaux centres d’intérêt est l’ampleur des flux migratoires inter-régionaux, on accorde autant d’attention aux effectifs totaux de migrants entre régions qu’à la structure par âge des différents flux.
On détermine le nombre des migrants à partir des nombres d’immigrants et d’émigrants internes survivants de la manière suivante :
l’apostrophe (’) indiquant les nombres de survivants et 5I'x et 5O'x représentant respectivement les nombres d’immigrants internes survivants et d’émigrants internes survivants d’une région donnée à la date du second recensement, qui étaient âgés de x à x + 5 à cette date.
Exemple
Dans cet exemple, nous exploiterons les effectifs masculins du recensement sud-africain de 2001 et de l’« enquête tenant lieu de recensement » dite Community Survey de 2007. (Bien que l’enquête ait été effectuée environ 5,35 ans après la nuit du recensement de 2001, nous supposerons, pour les besoins de notre exposé, qu’elle a eu lieu exactement 5 ans après le recensement.) <1--On trouvera ces exemples dans le fichier Migration_South Africa_males.xlsx du manuel d’exercices en ligne (voir le site web).-->
A) Mesure de l’immigration internationale nette d’étrangers à partir des données sur le lieu de naissance
Étape 1 : Choisir les coefficients de survie
Les coefficients de survie apparaissent dans la cinquième colonne du tableau 1. Leurs valeurs ont été calculées à partir (des années vécues dans chaque groupe d’âge) de la table de mortalité alternative du tableur Models, au moyen des formules suivantes, respectivement pour les personnes âgées de 20 à 24 ans en années révolues et de 80 ans et plus au premier recensement, et pour les enfants nés entre les deux recensements :
Tableau 1 Estimation du nombre de décès de personnes nées à l’étranger et du nombre net d’immigrants internationaux par groupe d’âge, Afrique du Sud, 2001-2006
Âge |
2001 |
2006 |
x |
5Sx |
Âge au 2e recensement |
DF |
M net |
B |
0,94151 |
||||||
0-4 |
8 963 |
12 577 |
0 |
0,97896 |
0-4 |
391 |
12 968 |
5-9 |
10 390 |
13 724 |
5 |
0,99547 |
5-9 |
242 |
5 003 |
10-14 |
13 508 |
13 998 |
10 |
0,99427 |
10-14 |
55 |
3 664 |
15-19 |
27 835 |
27 943 |
15 |
0,98602 |
15-19 |
119 |
14 555 |
20-24 |
69 787 |
59 493 |
20 |
0,96458 |
20-24 |
616 |
32 275 |
25-29 |
87 381 |
95 763 |
25 |
0,93161 |
25-29 |
2 994 |
28 970 |
30-34 |
73 338 |
100 450 |
30 |
0,90960 |
30-34 |
6 675 |
19 743 |
35-39 |
66 663 |
85 490 |
35 |
0,89780 |
35-39 |
7 563 |
19 715 |
40-44 |
59 152 |
75 684 |
40 |
0,89092 |
40-44 |
7 701 |
16 721 |
45-49 |
45 184 |
66 113 |
45 |
0,88633 |
45-49 |
7 274 |
14 234 |
50-54 |
40 398 |
55 913 |
50 |
0,87224 |
50-54 |
6 154 |
16 883 |
55-59 |
30 640 |
42 833 |
55 |
0,84731 |
55-59 |
5 717 |
8 153 |
60-64 |
24 376 |
34 433 |
60 |
0,80885 |
60-64 |
5 442 |
9 234 |
65-69 |
17 895 |
25 588 |
65 |
0,75468 |
65-69 |
5 353 |
6 564 |
70-74 |
13 561 |
18 989 |
70 |
0,66991 |
70-74 |
5 281 |
6 375 |
75-79 |
10 238 |
12 850 |
75 |
0,56388 |
75-79 |
5 404 |
4 693 |
80-84 |
7 658 |
7 461 |
80+ |
0,40912 |
80-84 |
5 118 |
2 341 |
85+ |
4 455 |
5 305 |
85+ |
7 410 |
602 |
||
Total |
611 423 |
754 608 |
|
|
Total |
79 509 |
222 693 |
Étape 2 : Évaluer le nombre de décès
Comme chaque recensement nous donne les nombres de personnes nées à l’étranger par groupe d’âge, nous pouvons évaluer les nombres de décès de personnes nées à l’étranger survenus entre les deux recensements par groupe d’âge, en utilisant les effectifs d’étrangers de chaque recensement, qui figurent dans les deuxième et troisième colonnes du tableau 1. Pour les personnes de 20-24 ans et de 80 ans et plus à la date du premier recensement, et pour les enfants nés entre les deux recensements, les calculs sont les suivants :
Si les effectifs et/ou les coefficients de survie n’étaient pas disponibles par groupes d’âge, on pourrait évaluer comme suit le nombre total des décès de personnes nées à l’étranger, sachant que le taux brut de mortalité de la population vaut 14 pour 1 000 :
Étape 3 : Évaluer le nombre net d’immigrants étrangers
Puisque nous disposons de données par groupe d’âge pour chaque recensement, l’immigration nette par âge des personnes nées à l’étranger peut être calculée de la manière suivante :
Si les effectifs et/ou les coefficients de survie n’étaient pas disponibles par groupe d’âge, on pourrait évaluer comme suit le nombre total net d’immigrants :
B) Mesure de l’immigration inter-régionale nette à partir des données sur le lieu de naissance
Les deuxième et troisième colonnes du tableau 2 présentent les nombres de personnes vivant dans la province de Western Cape, en Afrique du Sud, et nées à l’extérieur de la province, dénombrées respectivement par le recensement de 2001 et la Community Survey de 2007. Bien que l’on ait utilisé les mêmes coefficients de survie (colonne 5) que dans l’exemple A, il conviendrait de procéder autrement si on devait supposer que les autochtones et les immigrés avaient des schémas de mortalité très différents. La dernière colonne du tableau 2 présente, par groupe d’âge, les nombres nets d’immigrants dans la province de Western Cape nés dans une autre province. Au total, 213 911 personnes nées hors de la province y ont immigré (déduction faite de celles d’entre elles qui l’ont quittée).
Tableau 2 Estimation du nombre net d’immigrants internes parmi les personnes nées à l’extérieur de la province de Western Cape, Afrique du Sud, par groupe d’âge, 2001-2006
Âge |
2001 |
2006 |
x |
5Sx |
Âge au 2e recensement |
DO |
M net (nés à l’extérieur) |
B |
0,94151 |
||||||
0-4 |
16 443 |
19 012 |
0 |
0,97896 |
0-4 |
591 |
19 602 |
5-9 |
24 406 |
28 743 |
5 |
0,99547 |
5-9 |
482 |
12 782 |
10-14 |
31 134 |
30 792 |
10 |
0,99427 |
10-14 |
125 |
6 511 |
15-19 |
44 478 |
53 933 |
15 |
0,98602 |
15-19 |
245 |
23 043 |
20-24 |
74 011 |
82 526 |
20 |
0,96458 |
20-24 |
896 |
38 944 |
25-29 |
80 187 |
89 522 |
25 |
0,93161 |
25-29 |
2 954 |
18 466 |
30-34 |
65 833 |
90 783 |
30 |
0,90960 |
30-34 |
6 074 |
16 670 |
35-39 |
56 393 |
76 475 |
35 |
0,89780 |
35-39 |
6 776 |
17 417 |
40-44 |
44 420 |
59 692 |
40 |
0,89092 |
40-44 |
6 268 |
9 567 |
45-49 |
32 862 |
47 612 |
45 |
0,88633 |
45-49 |
5 338 |
8 529 |
50-54 |
28 178 |
37 969 |
50 |
0,87224 |
50-54 |
4 303 |
9 409 |
55-59 |
19 983 |
30 205 |
55 |
0,84731 |
55-59 |
4 012 |
6 039 |
60-64 |
17 569 |
25 593 |
60 |
0,80885 |
60-64 |
3 832 |
9 442 |
65-69 |
11 216 |
20 802 |
65 |
0,75468 |
65-69 |
4 137 |
7 371 |
70-74 |
8 365 |
12 612 |
70 |
0,66991 |
70-74 |
3 426 |
4 822 |
75-79 |
5 919 |
8 434 |
75 |
0,56388 |
75-79 |
3 458 |
3 528 |
80-84 |
4 063 |
5 061 |
80+ |
0,40912 |
80-84 |
3 248 |
2 390 |
85+ |
2 152 |
2 183 |
85+ |
3 413 |
-620 |
||
Total |
567 613 |
721 949 |
|
|
Total |
59 576 |
213 911 |
Les deuxième et troisième colonnes du tableau 3 présentent les nombres de personnes nées dans la province de Western Cape et résidant dans une autre province, selon le recensement de 2001 et l’enquête de 2007. Le nombre net d’émigrants internes natifs du Western Cape (c’est-à-dire le nombre de personnes qui sont nées dans cette province et l’ont quittée, moins celles d’entre elles qui y sont revenues) figure dans la huitième colonne. Un nombre négatif signifie que le nombre de natifs du Western Cape qui sont partis vivre dans une autre province pendant la période considérée est inférieur au nombre de natifs de la province qui, vivant ailleurs, y sont revenus. Le total de -19 017 indique donc que le nombre de personnes qui sont nées au Western Cape, ont vécu ailleurs jusqu’en 2001 et y sont revenues pendant la période étudiée excède de 19 017 celui des personnes qui sont nées au Western Cape et l’ont quitté pour une autre province pendant la période étudiée.
Ces estimations ont été calculées au moyen des mêmes coefficients de survie que ceux qui ont été utilisés pour les personnes qui sont nées hors de la province de Western Cape et y ont immigré, mais si on avait quelque raison de penser que ces deux catégories de migrants avaient des schémas de mortalité différents, il faudrait recourir à deux séries différentes de coefficients de survie pour évaluer la migration totale nette des natifs de la province.
L’immigration interne nette totale de la province figure dans la dernière colonne du tableau 3. Donc, globalement, le nombre d’immigrants vers la province de Western Cape excède de 232 928 unités celui des émigrants qui ont quitté cette province pour une autre.
Dans cet exemple, les personnes nées hors de la province comprennent celles qui sont nées à l’étranger, et donc la migration nette inclut les immigrants internationaux qui sont venus s’établir dans la province. En retranchant du tableau 2 les personnes nées à l’étranger, on obtiendrait, pour chaque région, le nombre des immigrants internes net des émigrants internes, et la somme de ces effectifs pour toutes les provinces serait nulle.
Tableau 3 Estimation du nombre net d’émigrants internes parmi les personnes nées dans la province de Western Cape, par groupe d’âge, 2001-2006
Âge |
2001 |
2006 |
x |
5Sx |
Âge au 2e recensement |
DI |
M net (nés dans la province) |
M net total |
B |
0,94151 |
|||||||
0-4 |
22 055 |
11 747 |
0 |
0,97896 |
0-4 |
365 |
12 112 |
7 490 |
5-9 |
21 895 |
12 509 |
5 |
0,99547 |
5-9 |
367 |
-9 180 |
21 962 |
10-14 |
21 382 |
11 593 |
10 |
0,99427 |
10-14 |
76 |
-10 226 |
16 737 |
15-19 |
18 265 |
13 455 |
15 |
0,98602 |
15-19 |
100 |
-7 827 |
30 870 |
20-24 |
14 645 |
10 477 |
20 |
0,96458 |
20-24 |
202 |
-7 587 |
46 531 |
25-29 |
13 501 |
9 534 |
25 |
0,93161 |
25-29 |
434 |
-4 676 |
23 142 |
30-34 |
13 118 |
11 047 |
30 |
0,90960 |
30-34 |
867 |
-1 587 |
18 257 |
35-39 |
12 121 |
14 614 |
35 |
0,89780 |
35-39 |
1 319 |
2 815 |
14 602 |
40-44 |
11 725 |
12 195 |
40 |
0,89092 |
40-44 |
1 311 |
1 384 |
8 183 |
45-49 |
10 335 |
10 538 |
45 |
0,88633 |
45-49 |
1 285 |
98 |
8 431 |
50-54 |
9 211 |
9 881 |
50 |
0,87224 |
50-54 |
1 221 |
768 |
8 642 |
55-59 |
7 264 |
10 568 |
55 |
0,84731 |
55-59 |
1 362 |
2 720 |
3 319 |
60-64 |
6 691 |
7 723 |
60 |
0,80885 |
60-64 |
1 250 |
1 710 |
7 732 |
65-69 |
4 643 |
5 297 |
65 |
0,75468 |
65-69 |
1 265 |
-128 |
7 499 |
70-74 |
3 954 |
3 766 |
70 |
0,66991 |
70-74 |
1 182 |
304 |
4 517 |
75-79 |
2 331 |
2 384 |
75 |
0,56388 |
75-79 |
1 240 |
-330 |
3 858 |
80-84 |
1 402 |
2 140 |
80+ |
0,40912 |
80-84 |
1 336 |
1 145 |
1 244 |
85+ |
707 |
555 |
85+ |
1 024 |
-531 |
-89 |
||
Total |
195 246 |
160 023 |
|
|
Total |
16 206 |
-19 017 |
232 928 |
C) Mesure de la migration interne entre régions d’un même pays à partir des données sur le lieu de résidence lors du recensement précédent
Le tableau 4 présente le résultat des réponses à la question, posée aux habitants des provinces lors de la Community Survey de 2007, sur leur lieu (ici la province) de résidence à l’époque du recensement de 2001. En réalité, il était demandé à chaque personne si elle habitait au même endroit que lors du dernier recensement, et, si la réponse était négative, quelle était sa dernière résidence. Cependant, une étude de Dorrington et Moultrie (2009) incite à penser qu’il était assez raisonnable de supposer que les gens n’avaient pas migré plus d’une fois au cours des cinq années suivant le dernier recensement.
Mais le plus grand nombre de migrants est, de loin, celui des personnes qui ont déménagé à l’intérieur d’une même province. Nous les avons exclues du tableau 4, car on s’intéresse généralement plus aux migrations interprovinciales qu’aux migrations intra-provinciales.
Tableau 4 Migrations interprovinciales, Afrique du Sud, 2001-2006
Résidence précédente (origine) |
Province de résidence (destination) |
|||||||||
WC |
EC |
NC |
FS |
KZ |
NW |
GT |
MP |
LM |
Total |
|
WC |
12 173 |
4 060 |
1 745 |
3 221 |
2 113 |
16 400 |
1 405 |
874 |
41 992 |
|
EC |
52 239 |
1 120 |
7 187 |
25 209 |
14 430 |
28 633 |
4 693 |
2 116 |
135 626 |
|
NC |
4 813 |
1 942 |
3 480 |
908 |
3 728 |
4 956 |
1 062 |
357 |
21 246 |
|
FS |
2 943 |
3 145 |
2 546 |
2 352 |
12 733 |
19 920 |
4 293 |
1 963 |
49 896 |
|
KZ |
6 762 |
7 015 |
631 |
2 358 |
3 573 |
50 980 |
8 886 |
1 194 |
81 399 |
|
NW |
1 478 |
907 |
9 811 |
5 555 |
2 329 |
47 633 |
3 090 |
4 337 |
75 140 |
|
GT |
24 891 |
12 948 |
3 962 |
11 437 |
18 145 |
32 433 |
18 598 |
15 133 |
137 547 |
|
MP |
2 134 |
1 317 |
280 |
1 724 |
4 546 |
5 767 |
42 941 |
8 628 |
67 338 |
|
LM |
2 754 |
1 583 |
255 |
1 709 |
2 209 |
9 773 |
81 394 |
24 211 |
123 889 |
|
HAS |
21 221 |
5 467 |
1 209 |
9 584 |
10 933 |
11 437 |
51 873 |
8 335 |
9 286 |
129 346 |
INC |
500 |
3 |
15 |
124 |
132 |
78 |
228 |
89 |
0 |
1 170 |
NR |
1 058 |
1 029 |
107 |
208 |
875 |
508 |
3 558 |
408 |
633 |
8 384 |
Total |
120 794 |
47 528 |
23 996 |
45 111 |
70 860 |
96 573 |
348 516 |
75 070 |
44 524 |
872 973 |
WC = Western Cape, EC = Eastern Cape, NC = Northern Cape, FS = Free State, KZN = KwaZulu-Natal, |
En plus des effectifs tous âges confondus du tableau 4 (en fait, comme c’est souvent le cas, les migrations des enfants nés entre le recensement et l’enquête ont été exclus), on peut également obtenir les nombres d’immigrants et émigrants internes par groupes d’âge, comme on le voit dans le tableau 5. Pour l'exhaustivité, ces chiffres incluent des estimations du nombre de migrants qui sont nés depuis le recensement précédent. Cependant, comparés aux chiffres des autres groupes d’âge, ces nombres paraissent exagérément élevés, nous en examinerons la raison plus loin.
Le nombre net de migrants se calcule, par exemple pour les personnes âgées de 25 à 29 ans au moment de la Community Survey (qui avaient donc de 20 à 24 ans lors du recensement de 2001), de la manière suivante :
Tableau 5 Estimation du nombre net d’immigrants internes par groupes d’âge,
Western Cape, Afrique du Sud, 2001-2006
Âge |
Immigrants |
Émigrants |
x |
5Sx |
Immigrants |
0-4 |
20 846 |
11 747 |
B |
0,94151 |
9 381 |
5-9 |
6 586 |
3 554 |
0 |
0,97896 |
3 065 |
10-14 |
6 685 |
2 882 |
5 |
0,99547 |
3 812 |
15-19 |
10 402 |
3 967 |
10 |
0,99427 |
6 454 |
20-24 |
21 266 |
4 488 |
15 |
0,98602 |
16 897 |
25-29 |
20 675 |
5 649 |
20 |
0,96458 |
15 301 |
30-34 |
15 584 |
6 008 |
25 |
0,93161 |
9 928 |
35-39 |
10 584 |
5 098 |
30 |
0,90960 |
5 758 |
40-44 |
7 264 |
3 045 |
35 |
0,89780 |
4 458 |
45-49 |
4 648 |
2 714 |
40 |
0,89092 |
2 053 |
50-54 |
3 095 |
1 500 |
45 |
0,88633 |
1 698 |
55-59 |
3 940 |
935 |
50 |
0,87224 |
3 225 |
60-64 |
3 776 |
527 |
55 |
0,84731 |
3 541 |
65-69 |
3 127 |
818 |
60 |
0,80885 |
2 582 |
70-74 |
1 540 |
437 |
65 |
0,75468 |
1 282 |
75-79 |
561 |
206 |
70 |
0,66991 |
442 |
80-84 |
797 |
116 |
75 |
0,56388 |
944 |
85+ |
264 |
47 |
80+ |
0,40912 |
374 |
Total |
141 640 |
53 739 |
|
91 194 |
Diagnostics, analyse et interprétation
Contrôles et validation
Le contrôle peut-être le plus simple, sur l’allure ‘acceptable’ de la distribution des effectifs (c’est-à-dire leur structure par âge), mais pas sur leur niveau, consiste à regarder si elle s’apparente au profil standard (ou à une de ses variantes). Rogers et Castro (1981a, 1981b) signalent que la distribution des effectifs (ou des taux) d’immigrants et émigrants internes est généralement conforme au standard, avec un pic chez les jeunes adultes (habituellement en lien avec la recherche d’un emploi) et un pic, moins marqué, pour les très jeunes enfants, suivi d’un creux chez les adolescents (son ampleur variant selon que, parmi les adultes jeunes ou d’âge moyen, il s’agit surtout de migrations familiales ou plutôt de migrations individuelles). Il y a aussi parfois une bosse (ou un creux) vers la fin de la vie active, s’il existe un flux important de personnes qui immigrent (ou émigrent) quand elles prennent leur retraite.
Ces schémas (pas nécessairement identiques) s’appliquent séparément aux flux d’immigration et d’émigration internes, mais pas automatiquement à la migration nette (la différence entre les deux flux), à moins que l’un de ces flux soit beaucoup plus important que l’autre.
C’est ce qu’illustre la figure 1, en utilisant certains des résultats calculés plus haut, sous forme de proportions par rapport au total (pour qu’ils puissent tenir sur une seule figure). On peut y constater que, grosso modo (à l’exception de certains cas où la proportion de migrants aux très jeunes âges semble exagérément élevée), les flux ont le profil attendu.
Les émigrants internes nets nés au Western Cape (non présentés sur la figure pour qu’elle reste lisible) s’écartent d’un schéma standard de migration, ce qui pourrait signifier que ces chiffres ne sont pas très sûrs, mais ils sont peu nombreux en regard des immigrants internes nés hors de la province, et on peut donc tolérer cette distorsion. De plus, deux autres caractéristiques de la figure 1 méritent d’être soulignées. Premièrement, l’émigration interne du Western Cape, telle qu’elle a été évaluée à partir de données sur le lieu de résidence au recensement précédent, indique que le pic des émigrants adultes se situe à un âge un peu plus avancé (et qu’il s’agit peut-être de migrations familiales plutôt qu’individuelles). Deuxièmement, l’immigration internationale nette se conforme au profil standard, ce qui signifie que le flux d’immigration vers le pays est beaucoup plus important que le flux de retour de ces immigrés.
Si, lors du recensement, on a demandé le lieu de naissance et le lieu de résidence au recensement précédent, on peut comparer les deux évaluations de l’immigration interne nette d’une région donnée. Si elles coïncident, cela inspire une certaine confiance dans les résultats. Dans le cas des données sur le lieu de naissance en Afrique du Sud, le nombre net d’immigrants internes au Western Cape est de 232 928 (tableau 3), tandis que l’estimation à partir du lieu de résidence au recensement précédent n’est que de 92 194 (tableau 4), ce qui incite à penser que l’une au moins de ces deux séries de données est suspecte.
Le contrôle le plus élémentaire que l’on puisse faire sur les estimations de la migration consiste à projeter la population (du pays ou de la province) du premier recensement jusqu’à la date du second, en utilisant les estimations de nombres de migrants, et de comparer les résultats obtenus avec les chiffres du second recensement pour voir dans quelle mesure ils concordent, surtout dans les tranches d’âge où se concentre le phénomène migratoire. Dans le cas de l’immigration interne nette au Western Cape, projeter la population de 2001 en utilisant les estimations déduites de la variation des effectifs par lieu de naissance a abouti à une concordance nettement meilleure dans la tranche d’âge de 20 à 29 ans, ce qui veut dire que les données sur le lieu de naissance sont sans doute plus complètes que les données sur le lieu de résidence au recensement précédent. C’est ce que confirme, dans une certaine mesure, la comparaison de la variation intercensitaire du nombre de résidents du pays nés à l’étranger, 222 693 (tableau 1), avec le total des résidents qui ont déclaré avoir migré de l’étranger vers l’une des provinces sud-africaines depuis le recensement précédent, 129 346 (tableau 4).
Idéalement, si on disposait d’estimations indépendantes des nombres de migrants, on pourrait les comparer avec les estimations obtenues par les méthodes exposées ci-dessus. Malheureusement, les estimations indépendantes fiables sont rares. Bien que la plupart des pays essaient d’enregistrer les émigrants et les immigrants, ces données ne sont généralement pas fiables, surtout dans les pays en développement aux frontières relativement poreuses. À moins que le pays dispose de réglementations extrêmement strictes et tienne un registre exact et complet de sa population, la seule manière alternative de mesurer la migration interne consiste à réaliser des enquêtes spécifiquement consacrées aux migrations, qui s’avèrent beaucoup plus utiles pour analyser les types de migrations (permanentes, temporaires, circulaires, etc.) que pour fournir de bonnes estimations des nombres de migrants, étant donné la situation souvent assez floue dans laquelle vivent les immigrés (surtout les immigrés récents) et leur réticence compréhensible à s’identifier comme migrants.
Interprétation
Si on considère les nombres de migrants évalués à partir des données sur le lieu de résidence au recensement précédent, qui figurent dans le tableau 4 (sans oublier qu’ils sous-estiment probablement le volume réel des migrations), de 2 à 4 % de la population ont migré d’une province à l’autre au cours des 5 ans qui séparent le recensement de 2001 de la Community Survey. En comptant aussi les personnes qui ont déménagé sans changer de province, ce sont de 7 à 15 % des habitants qui ont changé de résidence dans cette période de 5 ans.
Les principales provinces de destination sont celles de Gauteng (largement en tête) et de Western Cape, qui sont essentiellement urbaines et les plus riches du pays. Les principales provinces d’origine sont celles de Gauteng (l’examen de la répartition par âge des migrants montrerait qu’il s’agit essentiellement de migrations de retour de travailleurs qui prennent leur retraite), d’Eastern Cape et de Limpopo, ces deux dernières étant des provinces pauvres et principalement rurales, que l’on quitte pour aller chercher de l’emploi dans les régions urbaines.
Il semble que les migrations soient majoritairement individuelles (recherche d’emploi) plutôt que familiales.
Problèmes d’interprétation propres a la méthode
Erreurs de scanner
À en croire les données basées sur la province de naissance, il y aurait un nombre relativement élevé d’enfants nés après le premier recensement qui auraient migré vers une autre province. Selon toute probabilité, il s’agit d’un effet fortuit du procédé de saisie des données, qui a consisté à scanner les questionnaires remplis manuellement. Dans un petit nombre de cas, le scanner a pu avoir du mal à distinguer le code du Western Cape, « 1 », de celui de Gauteng, « 7 ». Il en est résulté, par exemple, que certains enfants étaient enregistrés comme nés hors de la province où ils étaient recensés, et donc considérés comme migrants, alors qu’ils ne l’étaient probablement pas. Même si cette erreur de scanner ne touche qu’une très petite proportion des naissances, celles-ci peuvent être beaucoup plus nombreuses que les migrants, et cela peut entraîner une quantité non négligeable de données erronées. Comme de plus en plus de pays en développement saisissent les données par scanner, ce genre de problème pourrait être assez répandu.
Quand des erreurs de scanner ou autres empêchent d’obtenir des estimations fiables des nombres de migrants parmi les enfants nés depuis le recensement précédent, on peut recourir aux ratios enfants/femmes (en anglais : CWR) du second recensement :
pour les enfants nés au cours des 5 dernières années, et
pour ceux qui sont nés au cours des 5 années précédant celles-ci si les recensements sont espacés de 10 ans, CWRx représentant le rapport du nombre d’enfants âgés de x à x + 5 au nombre de femmes âgées de 15 + x à 45 + x (dans la population du pays ou de la province) au moment du second recensement, et représentant le nombre de femmes migrantes âgées de x à x + 30.
L’application aux données du Western Cape indique que le nombre de migrants nés depuis le premier recensement devrait être inférieur à la moitié de l’estimation obtenue à partir des données sur le lieu de naissance.
Description détaillée de la méthode
Présentation mathématique
L’estimation indirecte de la migration se déduit de l’équation qui relie deux recensements espacés de n années :
où est le nombre net d’immigrants internes (les entrants moins les sortants) âgés de x à x + 5 à la date du premier recensement et toujours en vie au second recensement, et 5Dx, 5I'x et 5O'x sont respectivement les nombres de décédés, d’immigrés survivants et d’émigrés survivants âgés de x à x + 5 lors du premier recensement, qui sont morts ou ont migré entre les deux recensements.
Pour les enfants nés après le premier recensement, l’équation devient :
et pour l’intervalle d’âge ouvert :
où B représente le nombre de naissances enregistrées entre les deux recensements, DB le nombre de décès survenus parmi ces enfants entre les deux recensements, M'B le nombre net d’immigrants survivants nés à l’étranger entre les deux recensements, ∞DA–n le nombre de personnes âgées de A – n et plus à l’époque du premier recensement et qui sont décédées pendant la période intercensitaire, et ∞M'A–n le nombre net d’immigrants qui étaient âgés de A – n et plus lors du premier recensement. Ainsi,
ou encore
où 5Sx, SB et ∞SA–n représentent respectivement les proportions de survivants au second recensement parmi la population âgée de x à x +5 au premier recensement, parmi les enfants nés pendant la période intercensitaire et parmi les personnes âgées de A – n et plus au moment du premier recensement.
On peut alors évaluer le nombre net d’immigrants à partir du nombre net de survivants au second recensement :
Malheureusement, comme le nombre net d’immigrants est généralement faible par rapport au volume de la population, les erreurs d’âge ou de dénombrement, dans l’un des recensements ou dans les deux, peuvent conduire à des estimations très douteuses. On peut obtenir de meilleures estimations du nombre net d’immigrants dans un pays en limitant l’analyse à la population d’origine étrangère (définie comme l’ensemble des personnes nées à l’étranger) et en posant l’hypothèse que les retours d’autochtones émigrés sont négligeables. On remplace alors les symboles des équations ci-dessus par leurs équivalents en termes de population née à l’étranger. Comme on ne disposera probablement pas d’un compte précis des décès de personnes nées à l’étranger, on devra l’estimer de l’une ou l’autre des manières suivantes :
- Option 1 (probabilités de survie de la table de mortalité) : en appliquant les probabilités d’une table-type de mortalité appropriée,
- Option 2 (probabilités de survie intercensitaires) : en supposant que l’émigration d’autochtones est négligeable et que les proportions de survivants sont les mêmes chez les étrangers que chez les autochtone
l’exposant nb identifiant les autochtones.
- Option 3 (données d’état civil) : si on dispose des nombres de naissances et de décès provenant d’une autre source, comme l’état civil (sans doute la seule possibilité quand il s’agit de migration interne), on peut travailler directement avec les nombres de naissances et de décès correspondant à la population migrante, plutôt qu’avec des probabilités de survie, pour estimer le nombre net d’immigrés internes survivants. Le nombre net d’immigrants peut également être calculé comme ci-dessus en posant :
où les nombres de naissances et de décès proviennent de l’état civil.
Mais dans la plupart des pays en développement, et surtout les pays africains, les systèmes d’état civil sont trop incomplets pour être utilisés de cette manière.
La migration interne
Pour ce qui est de la migration interne, on peut évaluer, pour chaque région, l’immigration interne nette de personnes nées hors de la région (c’est-à-dire le nombre de ces personnes qui y ont immigré, moins le nombre de celles d’entre elles qui en sont reparties) en exploitant les données sur le lieu de naissance pour évaluer la variation du nombre de personnes nées ailleurs, de la même façon que ci-dessus. Mais, comme nous connaissons aussi le lieu de résidence des personnes qui sont nées dans la région et ont migré vers une autre région (mais pas vers l’étranger), nous pouvons évaluer l’émigration interne nette des natifs de la région (soit le nombre de natifs de la région qui l’ont quittée pour une autre, moins le nombre de ceux-ci qui y sont revenus) en appliquant la méthode décrite plus haut à la seule population née dans la région considérée.
Pour l’évaluation de la survie des personnes natives des différentes régions, les probabilités de survie intercensitaires pourraient prendre l’avantage sur celles de la table de mortalité, car toute erreur de dénombrement, en plus ou en moins, de la population des régions peut être compensée par une erreur du même type au niveau de la population du pays et, par suite, les probabilités de survie donneraient une meilleure estimation des nombres de migrants que celles d’une table de mortalité.
En plus de leur lieu de naissance, le recensement peut demander aux personnes qui ont migré depuis le recensement précédent (ou depuis une autre date) où elles résidaient à ce moment-là, ce qui permet de calculer l’émigration interne et aussi l’immigration interne (brute) séparément pour chaque région du pays.
Si le recensement demande l’année de la migration (ou depuis combien de temps la personne réside à l’endroit où elle est recensée), on peut avoir une idée du calendrier de la migration et évaluer des taux annuels de migration. C’est un processus complexe, et nous ne le traiterons pas ici, mais nous renvoyons le lecteur intéressé à l’article de Dorrington et Moultrie (2009).
Travailler avec les seuls effectifs totaux
Si on ne dispose pas des effectifs par âge, ou si la distribution par âge est considérée comme douteuse, on peut encore obtenir des mesures par âge en évaluant le nombre total de migrants comme on l’a décrit plus haut et en répartissant ensuite ce total par groupes d’âge en appliquant soit la structure par âge de la même population à un autre moment (étant donné que la structure par âge des flux migratoires est généralement stable dans le temps) ou (de préférence) une structure-type appropriée, telle que celle présentée par Rogers et Castro (1981a, 1981b). Par conséquent,
où et ∞m0 est une estimation du taux brut de mortalité de la population du pays recensé.
Limites
Le principal problème associé à l’utilisation des recensements pour évaluer l’immigration internationale et l’immigration interne nette est la qualité des dénombrements, en particulier l’ampleur des éventuels sous-dénombrements, surtout si elle varie d’un recensement à l’autre. Mais, même si le sous-dénombrement est faible, le recensement peut ne pas saisir tous les migrants. Souvent, les immigrés récents ne sont pas facilement identifiés par un recensement, parce que leur installation n’est pas définitive. De plus, les immigrants peuvent ne pas être enclins à s’identifier comme tels et préférer se soustraire au recensement ou cacher leur origine étrangère.
Ensuite, dans le cas des migrants internes, la déclaration du lieu de naissance et/ou de résidence au recensement précédent pourrait être erronée du fait de modifications de limites administratives ou à cause de l’ignorance (éventuellement le biais) de la personne interrogée.
Le troisième inconvénient du recensement est qu’il ne permet pas de mesurer l’émigration vers l’étranger. Ce phénomène est particulièrement difficile à évaluer dans la plupart des pays, mais une possibilité consiste à appliquer la méthode d’estimation de l’immigration internationale nette d’étrangers, décrite plus haut, aux recensements des principaux pays de destination des émigrants pour évaluer l’évolution des effectifs de migrants vers ces pays. Bien sûr, ce procédé n’est réellement utile que si les recensements de ces divers pays mesurent avec une précision suffisante les nombres de personnes nées à l’étrangers (migrants) par pays de naissance.
En général, les statistiques sur les immigrants, et plus encore celles sur les émigrants, qui sont recueillies aux postes-frontières donnent de mauvaises évaluations des effectifs réels, à moins que les frontières du pays ne soient quasi impénétrables et qu’il n’y ait qu’un petit nombre de points d’entrée parfaitement contrôlés. Même dans ce cas, il peut toujours y avoir un certain nombre de « visiteurs » qui finissent par rester dans le pays.
Une dernière difficulté apparaît quand on travaille sur des données agrégées sans distinction des âges. En général, il faut alors utiliser le taux brut de mortalité de la population du pays recensé pour estimer le nombre de décès de migrants. Cependant, la structure par âge des migrants pouvant être très différente de celle de la population totale, le nombre de décès de migrants calculé peut s’avérer tout à fait faux.
Extensions de la méthode
Certains recensements posent des questions supplémentaires qui peuvent aider à comprendre la migration, sinon à améliorer l’évaluation de son niveau. La plus fréquente, sans doute, porte sur la date de la migration. Ces données permettent d’évaluer des taux annuels de migration, mais il se peut que les personnes interrogées aient tendance à déclarer des dates de migration plus récentes que ce n’est le cas en réalité (Dorrington et Moultrie, 2009).
Quand le recensement demande, comme l’ont fait les derniers recensements sud-africains, aux personnes qui ont immigré depuis le recensement précédent de quand date leur dernière migration et d’où elles venaient, et non où elles résidaient à la date du recensement précédent, on peut rétroprojeter les effectifs de migrants en appliquant les taux annuels de migration entre régions pour en évaluer le nombre par région au moment du recensement précédent (Dorrington et Moultrie, 2009). Mais, au moins dans le cas de l’Afrique du Sud, l’hypothèse que la plupart des migrants n’ont fait qu’une migration au cours des cinq dernières années, et donc que le lieu de résidence avant la dernière migration coïncide avec le lieu de résidence au moment du recensement précédent, paraît tout à fait raisonnable (Dorrington et Moultrie, 2009).
Si on dispose à la fois de données sur la région de naissance et la région de résidence lors du recensement précédent, on peut croiser ces deux variables et donc classer les migrants récents selon qu’ils sont migrants primaires, migrants secondaires ou migrants de retour.
Autres lectures et références
Pour un aperçu général de la problématique des migrations, la définition des termes et des détails sur l’analyse et l’interprétation des données sur les migrations internes, nous renvoyons le lecteur intéressé à l’excellent Manuel VI des Nations Unies (UN Population Division, 1970). Le manuel de Shryock et Siegel (1976) ou sa version moderne due à Siegel et Swanson (2004) donnent également une introduction générale à l’étude des migrations et couvrent, en particulier, l’évaluation des migrations internationales.
Aux personnes intéressées par l’évaluation des taux annuels de migration et la rétroprojection des migrants pour en évaluer les effectifs par région de résidence au moment du recensement précédent, à partir des données sur le lieu de résidence avant la dernière migration et la date de celle-ci, nous recommandons la lecture de l’article de Dorrington et Moultrie (2009).
Dorrington RE and TA Moultrie. 2009. "Making use of the consistency of patterns to estimate age-specific rates of interprovincial migration in South Africa," Paper presented at Annual conference of the Population Association of America. Detroit, US, 30 April - 2 May.
Rogers A and LJ Castro. 1981a. "Age patterns of migration: Cause-specific profiles," in Rogers, A (ed). Advances in Multiregional Demography (RR-81-006). Laxenburg, Austria: International Institute for Applied Systems Analysis, pp. 125-159. https://pure.iiasa.ac.at/id/eprint/1556/1/RR-81-006.pdf
Rogers A and LJ Castro. 1981b. Model Migration Schedules (RR-81-030). Laxenburg, Austria: International Institute for Applied Systems Analysis. https://pure.iiasa.ac.at/id/eprint/1543/1/RR-81-030.pdf
Shryock HS and JS Siegel. 1976. The Methods and Materials of Demography (Condensed Edition). San Diego: Academic Press.
Siegel JS and D Swanson. 2004. The Methods and Materials of Demography. Amsterdam: Elsevier.
Timæus IM. 2007. "Impact of HIV on mortality in Southern Africa: Evidence from demographic surveillance", In Caraël M and JR Glynn (eds) HIV, Resurgent Infections and Population Change in Africa, Springer, pp 229–243. doi: https://dx.doi.org/10.1007/978-1-4020-6174-5_12
UN Population Division. 1970. Manual VI: Methods of Measuring Internal Migration. New York: United Nations, Department of Economic and Social Affairs, ST/SOA/Series A/47. https://www.un.org/development/desa/pd/content/manual-vi-methods-measuring-internal-migration
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